Il paraît que le camerounisme « atalakou », employé dans une précédente palabre, aurait collé plus d’un de nos co-lecteurs internationaux.
Entre autres « profanes », un certain curieux m’écrivant des Tonga (moi qui croyais que le Bhoutan était le pays le moins connu de la planète – c’est fou comme la palabre peut voyager à travers le monde!) ; un certain curieux des Tonga qui m’écrit pour m’apprendre que son Dictionnaire dernier-cri se serait gratté la tête à la vue de ce néologisme, et qu’il revenait vers moi, le curieux s’entend, solliciter humblement un petit éclairage sur l’acception de ce vocable savant.
Eh bien, comment dire ?… (À mon tour de me gratter la tête : les mots ne viennent pas toujours aisément, même quand on a la maîtrise de son sujet, n’en déplaise à Boileau). Le terme « atalakou » pourrait s’entendre comme un compliment ou un éloge flatteur, disproportionné en comparaison du mérite que l’on veut encenser ; un discours panégyrique qui tient un peu de l’art du griot, la noblesse et l’instrument à cordes en moins, et qui naturellement est toujours calculateur de certains intérêts. La noblesse, « surtout », en moins, puisque c’est aujourd’hui l’affaire des musiciens-boucanistes du dimanche, mais aussi davantage de ce journaliste-là pour qui le rendu de l’information n’est pas toujours objectif, mais plutôt dépend de la plus-value qu’il peut en tirer en termes d’atalakou. Je vois déjà d’ici poindre dans certains esprits indignés l’irrévérencieux terme de « journaleux », cependant nous ici à la palabre intellectuelle nous aimons mieux rester courtois. Aussi m’en-vais-je suggérer, pour désigner le journaliste qui fait commerce dans l’atalakou, le nom commun d’ « Atalakouère » (oui, c’est une autre invention, mais mon mérite est bien modeste, puisque j’ai un peu triché sur « rastakouère »).
C’est fort regrettable, me diriez-vous— Oui, je compatis.
Mais puisque nous y voilà contraints ; puisque votre prouesse, intellectuelle, culturelle ou même sportive, fût-elle magistralement méritée, ne suffit plus pour que l’on parle de vous en bien dans les médias, combien faudrait-il prévoir pour s’octroyer les services d’un atalakouère ?
Eh bien, c’est selon. Il y en a pour toutes les bourses. Auriez-vous cent mille francs, on vous en donnera pour cent mille, d’atalakou ; n’auriez-vous que dix mille francs, on vous en donnera pour dix mille ; n’auriez-vous-même que deux cannettes de bière et un bon plat chez Mado, la gargotière du coin, vous en aurez pour deux cannettes de bière et un bon plat, d’atalakou, servi dans l’émission du soir, sous forme de dédicace à votre nom de la revue de la presse ou alors d’une chanson à la mode. Ce ne sont pas les prétextes qui manquent ; on pourrait même simplement vous servir votre petit atalakou sous forme de salutations « désintéressées » en fin ou en début de l’émission. À vous de voir.
Et que fait l’atalakouère, lorsqu’il n’a pas de clients d’atalakou et qu’il se trouve dans l’obligation de traiter une information trop prioritaire pour être ignorée ? Eh bien, il la traite à contrecœur ; et si cette dernière porte sur une personnalité ou quelque malheureuse célébrité, sa plume jalouse et cupide ne manquera pas d’y cracher son venin. Mais s’il ne s’en trouve pas contraint, il se contentera de passer l’information sous silence et de distraire ses lecteurs ou ses auditeurs par un petit « kongossa » (encore un camerounisme qui pourrait nous valoir un retour en force de notre ami curieux des Tonga).
Autant mieux nous expliquer tout de suite :
Un kongossa, c’est en général une anecdote traitant des petits paradoxes croustillants des infidélités, dans le genre : « Le pauvre Paul, pas suffisamment bien monté pour satisfaire la libido de son épouse, permet officieusement que cette dernière le cocufie avec son frère ou son meilleur ami, et même qu’ils lui fassent de beaux gosses. » ; ou encore : « Martin abandonne son foyer conjugal pour de bon, y compris les progénitures, afin de pouvoir aller plus librement avec Monsieur Anibal, parce que ce dernier se trouve être, soit un homme riche, soit son gourou, soit son patron, soit alors les trois à la fois. Je préciserai, pour les esprits un peu confondus, que je n’ai pas oublié d’ajouter « e » à Martin, et que cela ne tiendrait à vous, si l’envie vous prenait de remplacer le « b » d’Anibal par « m ».
Voilà, en bonne atalakouère, un bon petit kongossa pour meubler notre « papier », en attendant notre prochain client d’atalakou.
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