« Le désert du lac Victoria » d’Ives Dumond: comme une boîte de Pandore

par Noel Zalla
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"Le désert du lac Victoria" d'Ives Dumond: comme une boîte de Pandore

Pourquoi les extraterrestres ne laissent leurs marques que dans des champs aux États-Unis ? Qu’avons-nous, Africains, bien pu faire à l’univers pour ne pas mériter une invasion du troisième type ? Ives Dumond vient combler ce manque avec son roman Le désert du lac Victoria. « Mon roman est un thriller […]. Il est parodique et essaie, tel qu’il peut, d’être contemporain et de faire la fiction sur la base de l’actualité des dernières années. », précise-t-il. Une parodie certes, mais qui fait grincer les dents sur 274 pages.

Publié sur Amazon en autoédition, Le désert du lac Victoria est son premier thriller fantastique. L’histoire se déroule en majorité en Afrique. Il y aborde avec cynisme des sujets d’actualité comme l’immigration ou le réchauffement climatique. Il avait déjà publié un roman intitulé Fantasmes aux éditions Apopsix.

Ives Dumond est le nom de plume de Kodjo M. Akpondeou, né le 08 mai 1989 à Lomé, au Togo. Il est actuellement expert-comptable diplômé, et assistant Manager Audit et Conseil à KPMG Afrique Francophone. Outre l’informatique et tout ce qui va avec, Ives a une vraie passion pour la littérature en général, et les polars en particulier.

Des extraterrestres ont enfin décidé de s’intéresser à nous. Que cela ne soit pas source de réjouissance, car ils viennent mettre à nu nos insuffisances et nos carences. Pour attaquer la terre, il faut passer par son point faible : l’Afrique. Pourquoi ? Parce que nous sommes faibles, naïfs et impuissants. C’est aussi simple que ça.

Nous sommes en 2017, la lagune Ebrié et le lac Victoria ont été asséchés. Des hordes de scientifiques européens grouillent en Afrique pour étudier ses phénomènes paranormaux. Parmi eux, un couple de scientifiques divorcé, Emily et Carl. Leur mariage s’était consumé parce qu’Emily croyait en l’existence des extraterrestres. Aujourd’hui, ce sont les extraterrestres qui les réunissent pour le pire. Emily se dévoue corps et âme à son travail. Elle est obligée de rejoindre Carl qui a subi une attaque de la force mystérieuse sur les bords du lac Victoria en Tanzanie. Une course-poursuite s’ensuit. D’un côté, les autorités tanzaniennes les traquent pour éviter qu’ils découvrent des informations compromettantes.

De l’autre cote, la présence des extraterrestres se fait de plus en plus sentir sous forme d’une chaleur qui fait bouillir le sang et qui donne le vertige. Mais Emily a une revanche à prendre sur le sort. Les extraterrestres existent et elle allait le prouver. Quelle issue lorsque l’on est pris entre le marteau et l’enclume.

Voici Mamadou dont le corps flotte sur la Méditerranée ensanglante et qui se laisse guider par les vagues à leur guise, car il n’est pas pressé. Il a tout perdu et a à peine 25 ans. Son pouls est timide et irrégulier. La lueur dans ses yeux est vive, mais il n’y a plus personne à l’intérieur. Tout d’un coup, il se fait tirer de l’eau par un inconnu qui le soigne et lui donne un second souffle. Désormais Falla Mamadou, encore convalescent dans un fauteuil roulant, se consacre à son blog ou ses écrits nous ouvrent une fenêtre sur l’immigration clandestine et son calvaire endure. Son blog plaît et il est contacté par l’AFP pour couvrir les bizarreries qui se déroulent en Afrique en ce moment. Quelle aubaine pour lui qui n’a plus mis pied en Afrique depuis qu’il a quitté son Sénégal natal.

Ives Dumond manie la plume comme l’épée. Il va franchement en croisade contre les fléaux qui minent l’Afrique. Le livre est composé de plusieurs histoires et l’auteur use de flash-back pour nous permettre de comprendre d’où les personnages viennent et là où ils se situent psychologiquement. Le suspense est presque insoutenable. Ives Dumond sait nous tenir en haleine et c’est difficile de le classer parce qu’il peut nous faire rire juste après nous fait pleurer. On pleure beaucoup parce que l’univers de l’auteur est très violent, à la limite de l’horreur. Nous avons peut-être été tellement exposés à la violence en Afrique que nous en sommes devenus insensibles. La pauvreté, le chômage, l’immigration clandestine, les soulèvements populaires, les coups d’États, manque de vision, etc. c’est notre quotidien. Ives Dumond arrive à nous faire redécouvrir ces fléaux sous un nouvel angle. Il est arrivé à me faire refuser que tout cela soit normal.

« Plusieurs chaînes de télévision ont tout arrêté pour diffuser des images à couper le souffle de présidents africains qui se faisaient pourfendre par une force occulte qui les maintient tous prisonniers » (P. 165).

Avant qu’Héphaïstos ne remette la fameuse boîte de Pandore, il y avait mis tous les fléaux possibles et imaginables. Mais tout au fond, il y avait glissé un fléau qui allait permettre aux Hommes de supporter les autres : l’espoir.

Le livre d’Ives Dumond est désarmant. Nous qui avons fait du cynisme un sport continental de haut niveau, face à ce livre, on ne peut même pas dire « c’est comme ça en Afrique… ». Si un mot pouvait résumer ce livre, ce serait impuissance. Nous sommes impuissants. Naïfs. Nous subissons et ne faisons que réagir. Ives Dumond n’a même pas eu besoin de le dire. Il n’y avait qu’à observer comment les Africains se comportent face à une attaque extraterrestre.

J’étais un peu sceptique parce que je ne souhaitais pas tomber sur un énième auteur qui allait nous reparler des problèmes de l’Afrique en paraphrasant nos prédécesseurs qui l’ont fait de manière plus éloquente. Ives Dumond n’est pas tombé dans ce piège. C’est un nouveau regard. Un regard qui pousse à vouloir trouver des solutions. La pauvreté, ce n’est pas normal. Tendre constamment la main, ce n’est pas normal.

Je conseille ce roman d’Ives Dumond à celles et ceux qui aimeraient voir l’Afrique sous un autre angle et qui sont en quête d’émotions fortes. L’auteur est sans pitié et il y va sans concession. Si vous pensez savoir ce qui ne va pas en Afrique, ce livre va vous faire douter. C’est un électrochoc. Je regrette que j’aie besoin d’autant de violence pour réveiller en moi ce sentiment d’urgence sur l’état de notre cher continent.

Bissap, tisane ou café ?

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