« Casting Sauvage » d’Hubert Haddad ou les multiples visages de Paris

par La redaction
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"Casting Sauvage" d'Hubert Haddad ou les multiples visages de Paris

Hubert Haddad est un auteur tunisien qui a reçu plusieurs distinctions littéraires. Je n’en savais rien avant de rédiger ma note de lecture. Il a reçu le grand prix SGDL du roman pour La Condition magique, le prix des cinq continents de la francophonie et le Renaudot du livre de poche pour Palestine, le prix Louis-Guilloux pour Le Peintre d’éventail, le grand prix de littérature de la SGDL pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la publication de Le Peintre d’éventail et Les Haïkus du peintre d’éventail, et le prix Mallarmé pour La Verseuse du matin.

Casting Sauvage est un roman contemporain publié cette année aux éditions Zulma. Le titre intriguant a attisé ma curiosité de lectrice aventurière et m’a donné l’envie de découvrir ce qui se cache derrière ces 160 pages.

Damya, jeune parisienne, rêvait d’être danseuse. Un soir de novembre, la ballerine est mitraillée parmi d’autres à la terrasse d’un café parisien. La veille de l’attentat, Damya répétait son rôle de statue enchantée, souriait à la vie. Après l’attentat, son nom apparaît parmi d’autres, dans un recensement des victimes, des blessés et assassinés.

C’est l’histoire des amputés de Paris : des hommes et des femmes privés de l’amour de leur vie, de leur confort, leur rêve, leur dignité humaine Cliquez pour tweeter

Damya n’est plus une danseuse mais une victime d’un attentat à Paris. Blessée au genou, c’en est fini de la tunique et des chaussons. La jeune femme se coupe du monde et de ses clameurs désolantes. Elle reste chez elle, coupée des bruits de Paris.

Un jour d’avril, elle reçoit le message de Lyle, une complice d’autrefois dans le corps de ballet d’une académie de banlieue. Elle a un job à lui proposer : faire du casting sauvage pour une grosse production qui parle de guerre et de déportation, une adaptation de La douleur de Marguerite Duras (P.O.L., 1985). Le metteur en scène est intransigeant et veut cent déportés, des survivants revenus de Dachau, de Ravensbrück… Une centaine de figurants squelettiques d’engeances plutôt blafardes dont une vingtaine de femmes, tous adultes, avec une bonne proportion d’allure métèque.

Il lui fallait des gens de la rue raflés dans leur misère physique et qui, une fois revêtus de pyjamas informes et rassemblés sur le plateau, débarqueraient sans apprêts sous une batterie de projecteurs. (Page 24)

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Damya sillonne toute la ville de Paris. Trocadéro – Boulevard de Clichy – Barbès – Porte de la chapelle. Dans les rues, les couloirs de métro, les halls de gare, les esplanades, les quartiers de solitude sans nombre, Damya scrute les habitants de Paris, recherche de potentiels figurants parmi les rêveurs, les esseulés, les SDF, les mendiants, les délaissés, les drogués, les trafiquants, les bannis, les migrants désemparés qui peuplent Paris. Elle croise multiples personnages comme Amalia, l’anorexique suicidaire, le fantassin ou le jongleur des rues, l’assassin libéré de prison au service des réfugiés. Damya espère surtout retrouver Amir, le garçon d’un rendez-vous manqué. C’est lui qu’elle attendait à la terrasse de la brasserie, juste avant les attentats. La veille de l’attentat, sur un ponton de bassin, il lui avait fixé rendez-vous entre deux étreintes dans un café de la rue de Charonne. Damya espère qu’il est encore en vie et qu’il n’est pas celui que la Police décrit…

L’auteur nous fait découvrir Paris et ses multiples visages :

Paris, la belle

Paris, en sang

Paris, la victime d’attentats

Paris, ville des solitaires

Paris, point de rencontre des gens condamnés à l’exil

Paris, l’insensible à la souffrance humaine

Paris foisonne de ces hordes de gosses délaissés, orphelins et bannis plus ou moins drogués au Valium et aux vapeurs de colle ; […] À Paris, une portée de chatons à l’abandon trouve bien plus de compassion (Page 42).

Damya n’est pas la seule à exposer sa vie et ses vicissitudes. Il y a également l’histoire de Matheo Lothar, un sculpteur qui noie son chagrin dans l’alcool, seul sur sa péniche amarrée près du pont de la Tournelle, là où son amour s’est jeté dans la Seine. Il va permettre à Damya d’éviter de commettre l’irréparable. La rencontrer lui permettra d’arrêter de vivre dans le passé.

Hubert Haddad montre dans Casting Sauvage la fragilité de l’Homme à l’état brut. C’est l’histoire des amputés de Paris : des hommes et des femmes privés de l’amour de leur vie, de leur confort, leur rêve, leur dignité humaine.

La plume d’Hubert Haddad est délicate, élégante, poétique. Le vocabulaire employé est mélancolique à souhait. Le tempo de narration est lent. Pourquoi courir ? Il y a tant de choses à admirer, à écouter à Paris. Hubert Haddad nous invite à être attentifs à chaque bruit de Paris, instant de joie ou gémissement de souffrance.

Casting sauvage est un roman d’une grande finesse et humanité qui aborde des sujets profonds et d’actualité : les réfugiés, les attentats, les pauvres de Paris. Il interroge, invite à porter un regard bienveillant sur les humains qui nous entourent. C’est le roman idéal pour les humanistes, les amoureux de Paris et des belles lettres.

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