SAISON 2 : AMITA LA DANGEREUSE
EXTRAIT
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L’inspecteur Pascal Étoundi qui ne sortait en général jamais sans un copieux petit-déjeuner avait déjà une faim de loup. Les deux hommes décidèrent d’aller casser la croûte au restaurant « Le paradis » qui se trouvait à quelques minutes en voiture seulement de la station d’essence « Texaco Mokolo », lorsque Pascal remarqua :
« As-tu vu la Toyota Carina grise derrière nous ? »
Joseph jeta un bref coup d’œil dans le rétroviseur.
« Oui, elle nous suit depuis que nous avons quitté Mokolo-Elobi.
— Que fait-on ? demanda Pascal
— On va manger. Appelle Mboudou et Mbarga à tout hasard. Je ne pense pas qu’il se passera quelque chose en pleine journée. »
Il ignorait naturellement à quel point il avait tort.
La Toyota Fortuner quitta la route principale goudronnée pour s’engager dans une ruelle de « sous-quartier » qui n’était en fait rien d’autre qu’un slam où s’entassaient des dizaines de pauvres diables dans des habitations de fortune en vielles tôles d’aluminium où il devait bien régner une température de 60°.
Le quartier semblait déserté par ses habitants.
Les chiens errants qui léchaient leurs multiples plaies avaient trouvé refuge sous le seul manguier environnant et partageaient leur coin de paradis avec quelques chats de gouttière affamés.
Dans la galère on enterre volontiers la hache de guerre.
Le restaurant « Le paradis » se trouvait à la fin de cette ruelle qui n’avait rien de bien paradisiaque malheureusement. Comme il est coutume au Cameroun, les meilleurs « tournedos » se trouvaient toujours dans les endroits les plus insolites.
Joseph qui roulait déjà à moins de 20km à l’heure pour éviter que les nids de poule de la piste ne se transforment en cimetière pour les amortisseurs du véhicule ralentit encore pour se garer sur le bas-côté en face du restaurant, séparé seulement de la “chaussée” par une rigole à moitié asséchée dans laquelle s’écoulait encore un fil d’eau de lessive provenant des baraques en amont.
Il jeta un dernier coup d’œil dans le rétroviseur et bien lui en prit : la Toyota grise avait freiné elle aussi, et les deux policiers purent distinguer clairement le bout d’une kalachnikov pointer de la portière à la vitre fumée côté passager et déjà à moitié abaissée.
Ils entendirent encore le bruit sec d’une culasse qui claque et comprirent très vite qu’ils n’en étaient qu’à deux doigts de manger du Ndolè par la racine.

Félix Oum
FÉLIX OUM
Félix Oum est né au Cameroun et a fait ses études en ingénierie à l’université technique de Berlin. Il travaille dans le domaine énergétique à Stuttgart. Il se passionne depuis des années pour le dessin et l’écriture, plus précisément l’écriture de poèmes et le travail à un roman. Très attaché à son Cameroun natal, il décide en Mars 2014 de se lancer dans la rédaction d’une série de nouvelles sur le quotidien des forces de l’ordre face aux réalités africaines avec l’intention affichée de donner ainsi à son pays son premier « Sherlock Holmes ».
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