Félix Oum est un jeune auteur camerounais, auteur de la série Les chroniques du commissaire Atangana sur Afrolivresque. Il est né au Cameroun et a fait ses études en ingénierie à l’université technique de Berlin. Il travaille dans le domaine énergétique à Stuttgart et se passionne pour l’écriture et le dessin. Avec la première saison La dame de Nkolbisson de sept épisodes, Félix Oum a planté le décor des enquêtes d’un jeune commissaire camerounais, le commissaire Atangana, qui va mettre tout en oeuvre avec son équipe pour résoudre des énigmes criminelles dans la ville de Yaoundé et contribuer à assainir et réformer la police de son pays. Félix Oum nous ouvre une fenêtre sur son univers de jeune plume du polar africain.
La première saison des chroniques du commissaire Atangana est achevée. Pouvez-vous nous donner vos impressions personnelles sur son déroulement ?
Je dois avouer avoir été très positivement surpris par le retour et les audiences que nous avons faites. J’étais loin de m’attendre à un pareil succès surtout lorsque l’on sait que jusqu’à lors, j’étais un illustre inconnu dans la scène littéraire africaine, camerounaise de surcroit.
À quoi attribuez-vous le succès de la saison 1 : « La dame de Nkolbisson » ?
Difficile à dire…Je pense que nous avons pu trouver une petite niche dans ce genre et que beaucoup d’africains y retrouvent de leurs propres expériences. Les européens qui nous lisent et qui ne s’étaient pas particulièrement intéressés à l’Afrique en général et au Cameroun en particulier quant à eux, y découvrent cette partie du monde sous une forme autre que les abondants clichés représentants ce continent et passés en boucles sur tous les médias occidentaux.
D’où vous vient l’idée d’un commissaire de police camerounais ?
J’ai toujours été un passionné de romans policiers. J’ai dévoré les Agatha Christie, les Henning Mankell et les Arthur Conan Doyle. De là, j’ai toujours pensé à m’y mettre moi-même. Toutefois, de par mes origines, je me suis dit qu’écrire des polars dans un contexte européen serait une imposture. Je me suis donc penché sur le travail de la police camerounaise.
Y-a-t-il un peu de vous dans le commissaire ?
(rires) Il y a beaucoup de ce que j’aurais souhaité être. Sûrement…En général, je ne cacherais pas que certains paragraphes sont parfois autobiographiques. Mais je ne dévoilerai sûrement pas lesquels ! (rires).
En tant qu’auteur, avez-vous un personnage préféré ?
J’ai pris un malin plaisir à décrire Mboudou. C’est un personnage intelligent, même si on peut en douter aux premiers abords. Il est ma perception du camerounais contemporain, celui qui a commencé sa carrière bardé de bonnes intentions mais qui, au gré des déceptions professionnelles, a cessé de vouloir changer le système et a décidé de suivre le reste du troupeau. Un nouveau berger arrive et va contribuer à ce que, peu à peu, il se remette à croire en ses idéaux. C’est un sérieux défi que de transformer ce cancre en élément de valeur. Il faut faire preuve de beaucoup de patience en écrivant. Si Mboudou se transforme trop vite, cela ne sera pas crédible. S’il se transforme trop lentement par contre, le lecteur décroche. Un vrai challenge… (Rires)
L’Inspecteur Étoundi constitue-t-il un contrepoids à la critique du système ?
Oui, en effet. Il m’était important de créer un personnage qui a grandi et vécu au Cameroun, qui connait les rouages du système et qui est néanmoins un homme droit. Il existe de nombreuses personnes d’honneur au Cameroun. Hommes et femmes qui s’évertuent à faire leur travail correctement et qui contribuent à leur manière à ce que les choses avancent malgré des systèmes souvent gangrenés par la corruption. Je pensais nécessaire de le souligner sans pour autant nier certains de nos problèmes.
Et quelle est votre opinion personnelle sur l’état de la police au Cameroun aujourd’hui ?
Vous savez, je me suis rappelé avoir lu le récit de l’arrestation d’un violeur dans un quartier de Yaoundé dans les années 80. J’ai été fasciné par les déductions de la police alors. Quand je regarde le travail des polices occidentales et que je vois quels sont les moyens techniques et financiers mis en œuvre pour combattre le crime, je suis convaincu que nos policiers, s’ils le voulaient, pourraient être tout aussi efficaces. Ils doivent, à mon avis, faire plus grande preuve d’intuition et d’esprit de déduction au cours de leurs enquêtes. On doit développer d’autres talents lorsque l’on sait ne pas pouvoir disposer de tests ADN, de fichiers criminels, de détecteurs de mensonges et autres instruments pouvant faciliter sa tâche.
Cette vision positive de la police contraste néanmoins avec vos écrits…
(rires) Je m’attendais à celle-là ! Bon, j’ai été en effet quelque peu critiqué pour ma vision parfois très sombre. Il faut savoir que les camerounais dans leur grande majorité sont très patriotes et détestent que l’on critique leur pays. Le principe est : « Le linge sale se lave en famille ! ». Il m’a donc été reproché d’avoir une perception très colonialiste des structures sur place. Je reste néanmoins persuadé que ceux qui veulent être honnêtes savent très bien que même si certaines descriptions peuvent être parfois caricaturales, elles ne s’en approchent pour autant pas moins de la vérité. Qui de mes compatriotes pourrait sérieusement prétendre ne jamais avoir été témoin d’un contrôle de police où un taximan sans papiers s’évite une amende en offrant « une bière » à l’officier ? Je suis partisan du : « Qui aime bien, châtie bien. ». Encore qu’ici, nous sommes vraiment loin du châtiment …du moins, je crois (rires). On peut aimer son pays tout en montrant ses réalités et pointer du doigt certains disfonctionnements. Je pense que l’autocritique est parfois un excellent moteur de changement.
Vous parlez aussi beaucoup de la dépravation des mœurs dans la société camerounaise…
Il s’agit là d’un de mes constats personnels les plus déplaisants. Naturellement, il est difficile de généraliser car cela dépend toujours du milieu dans lequel on évolue. Il ya une jeunesse dorée qui parcourt les boites de nuit et n’hésite pas à dépenser des centaines de milliers de francs pour une bouteille de champagne pendant une soirée. Et puis, il y a les autres. Ceux-là sont prêts à tenter la traversée sur une pirogue de fortune pour rejoindre l’Europe au risque de leurs vies parce qu’ils savent que derrière eux, c’est la misère la plus absolue. Enfin, il y a ceux qui n’ont pas ce courage et qui volent ou se prostituent…ou les deux. Mon impression personnelle est que l’écart entre ces groupes grandit de plus en plus vite et c’est effrayant. Aussi faut-il constater que les raisons qui expliquent la dépravation dans notre société diffèrent selon le groupe auquel on appartient. Les riches parce qu’ils singent les comportements qu’ils observent dans les émissions de téléréalité et les autres par pure nécessité de survie. Quelque soit la raison, nous nous éloignons à grands pas, à mon avis, de nos valeurs d’antan.
Dans ce contexte, vos écrits ne sont-ils pas donc plutôt contre-productifs ? Ne pourrait-on pas peut-être vous reprocher de peindre un tableau sombre mais sans véritablement proposer une réponse aux vrais problèmes de société ?
Je ne me permettrais sûrement pas l’arrogance de prétendre avoir des solutions aux problèmes qui gangrènent nos communautés. En outre, je pense sincèrement que ces dernières ne se laisseraient probablement pas énumérer dans un épisode une ou une saison. Par contre, il m’est définitivement possible d’y signifier que cet état des choses n’est pas une fatalité, que nous sommes tous responsables de la construction de notre société.

Félix prépare la saison 2 © Félix Oum
Que réservez-vous aux lecteurs dans la saison 2 ?
La saison 2 avec pour titre Amita la Dangereuse sera beaucoup plus dynamique. La première saison était une introduction des personnages et de leur contexte au travers d’une énigme précise. Jouer sur tous ces plans était assez compliqué compte tenu des contraintes de publication. En effet, il s’agit toujours d’une nouvelle, même si elle est publiée en plusieurs épisodes. Toutefois, maintenant que les présentations sont faites, la seconde saison pourra véritablement se concentrer sur la résolution de l’enquête. De plus, en parallèle, un certain accent sera porté sur celui qui deviendra…appelons le : le « professeur Moriarti » du Commissaire. La lecture de la saison 1 sera donc impérative pour une meilleure compréhension de la seconde.
Quels sont vos projets littéraires d’avenir ?
Je suis en passe d’achever un roman qui portera sur la vie des étudiants camerounais en Europe entre drames, espoirs et racisme. Un sujet qui me passionne particulièrement.
Toujours à visage couvert ?
Oui. Par pudeur, je souhaite garder un certain degré d’anonymat, même si je ne me fais nullement d’illusions sur le fait de devoir aller vers mes lecteurs à un moment ou un autre. Je tiens toutefois à souligner que publier n’a jamais été pour moi question de gloire et de notoriété mais en première ligne de partage de mes écrits. Sur ce point je suis d’ores et déjà comblé.
Propos recueillis par Acèle Nadale
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