Un état des lieux à l’attention des auteurs et futurs auteurs des Etats membres de l’OHADA
Contexte du droit OHADA
L’un des objectifs articulés du Traité OHADA était de fournir aux Etats membres un ensemble moderne et occidental du droit des affaires et, par conséquent, de rendre ces Etats membres plus attrayants pour les investisseurs étrangers[1]. À l’heure actuelle, il y a neuf statuts OHADA à savoir:
- L’Acte Uniforme relatif au Droit commercial Général,
- L’Acte Uniforme relatif aux Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt Economique,
- L’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement Passif,
- L’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution,
- L’Acte Uniforme portant Organisation des Sûretés,
- L’Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage,
- L’Acte Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises sises dans le Etats-Parties au Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique,
- L’Acte Uniforme relatif aux Contrats de Transport de Marchandise par Route,
- L’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Coopératives.
Parce que le Traité limite la compétence du Droit OHADA uniquement aux questions d’affaires, ces lois ou statuts, appelés Actes Uniformes, sont exclusivement basés sur les questions d’affaires[2].
Cependant, il n’y a pas d’Acte Uniforme concernant les questions de propriété intellectuelle sous le Traité OHADA; dans ce cas, quelle sera la législation pertinente pour régenter les questions de propriété intellectuelle? Cet article développera ce sujet. Notre objectif principal dans cet article est l’état du droit d’auteur dans les pays de l’OHADA.
Les Etats membres de l’OHADA sont au nombre de dix-sept et comprennent: Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Iles Comores, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo. Cependant, chacun de ces pays a des lois qui régissent le droit d’auteur dans leurs pays respectifs. La plupart de ces pays ont malgré tout un système uniforme de régulation du droit d’auteur qui émane de l’OAPI à travers l’Accord de Bangui de 1977 qui a ensuite été révisé en 1999. Toutefois, il est important de mentionner que la République démocratique du Congo n’est pas membre de l’OAPI; cet article ne se concentrera pas sur les Iles Comores, la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale, mais sur les autres pays, d’Afrique, membres de l’OHADA, et d’expression essentiellement francophone.
Droit d’auteur dans les etats membres de l’OHADA
Législations Nationales
Puisque la propriété intellectuelle résulte des efforts créatifs de l’utilisation de l’intelligence humaine, tous les efforts imaginables doivent être faits pour encourager l’activité innovante et inventive[3]. La propriété intellectuelle comprend les créations de l’esprit humain et de l’intellect. Elle se compose principalement de deux branches, l’une étant la propriété industrielle traitant des inventions technologiques, dessins industriels, marques de commerce, modèles d’utilité, etc.; et l’autre le droit d’auteur qui protège l’activité littéraire, musicale, artistique, les œuvres photographiques et audiovisuelles, des films, des programmes informatiques et de logiciels, etc., ainsi que les droits connexes.[4]
L’idée essentielle derrière le droit d’auteur est simple: Les artistes et les créateurs devraient être en mesure de profiter des fruits de leur travail pendant une période de temps spécifiée, après quoi l’œuvre devient disponible pour un usage public[5]. La société en bénéficie parce que cette incitation à créer donnera un menu culturel riche et varié pour ses citoyens[6]. En effet, on peut dire que la protection du droit d’auteur est un ingrédient nécessaire pour assurer la richesse culturelle dans nos sociétés.[7]
L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) est la seule autorité qui régit la propriété intellectuelle pour tous ses Etats membres. L’Accord de Bangui qui a été révisé en 1999 définit, entre autres, ses objectifs, parmi lesquels l’harmonisation des droits de propriété intellectuelle en général, et dans notre cas, le droit d’auteur dans tous les Etats membres. Pour illustrer cela, l’annexe VII de l’Accord de Bangui de 1999 énonce les dispositions relatives au droit d’auteur et ces dispositions sont applicables et obligatoires pour tous les Etats membres.
Chaque Etat membre de l’OHADA a des lois régissant le Droit d’auteur à savoir :
- Loi N°005/PR/2003 du 2 mai 2003, portant Protection du Droit d’Auteur, des Droits Voisins et des Expressions du Folklore pour le Tchad,
- Loi N°91-12 du 10 Juin 1991, portant Protection du Droit d’Auteur, du Folklore et des Droits Voisins au Togo,
- Loi N°2008-09 du 25 Janvier 2008, sur le Droit d’Auteur et les Droits voisins pour le Sénégal,
- Ordonnance-Loi N°86-033 du 5 Avril 1986, portant Protection des Droits d’Auteur et des Droits Voisins, pour la République Démocratique du Congo,
- Ordonnance N°93-027 du 13 Mars 1993 sur le Droit d’Auteur, les Droits Voisins et les Expressions de Folklore, pour la République du Niger,
- Loi N°08-024 du 23 Juillet 2008, fixant le régime de la propriété littéraire et artistique en République du Mali,
- Loi du 25 Juin 1996 sur le Droit d’Auteur en Côte d’Ivoire,
- Loi N°2000/011 du 19 Décembre 2000 relative au Droit d’Auteur et aux Droits Voisins pour le Cameroun,
- Loi N°043/APN/CP du 9 Août 1980, portant adoption des dispositions relatives au droit d’auteur et aux droits voisins, pour la Guinée,
- Loi N01/87 du 29 Juillet 1987, instituant la protection du droit d’auteur et des droits voisins au Gabon,
- Loi N°24/82 du 7 Juillet 1982, sur le droit d’auteur et les droits voisins au Congo Brazzaville,
- Ordonnance N°85.002 du 5 Janvier 1985, sur le droit d’auteur, en République Centrafricaine,
- Loi N°032-99/AN du 22 Décembre 1999, portant protection de la propriété littéraire et artistique, au Burkina Faso,
- Loi N°2005/030 du 5 Avril 2006, relative à la protection du droit d’auteur et des droits voisins, pour la République du Bénin.
Chacune de ces législations s’applique à chacun des pays auxquels elle appartient. Cela signifie qu’une personne ou un auteur au Cameroun sera guidé par le droit d’auteur de son pays. Cependant, avec l’harmonisation du droit d’auteur grâce à l’Accord de Bangui, on pourrait être confus quant à la loi applicable; l’Accord de Bangui ou la loi nationale? Pour répondre à cette question, il est intéressant de mentionner que les droits relatifs aux domaines de la propriété intellectuelle en général, et dans notre cas le droit d’auteur, comme il est prévu dans les annexes de l’Accord de Bangui, seront des droits nationaux indépendants, soumis à la législation de chacun des États membres dans lesquels ils ont effet[8]. Cela signifie simplement que les dispositions de l’Accord de Bangui devraient être lues conjointement avec les législations nationales de chaque État membre.
En outre, l’article 4 (1) et (2) de l’Accord de Bangui stipule que:
Les annexes de l’Accord de Bangui contiennent respectivement les dispositions à appliquer dans chaque État membre concernant la propriété littéraire et artistique. L’Accord de Bangui et ses annexes doivent être appliqués dans leur totalité à chaque État membre qui a ratifié ou y a adhéré.
Normalement, une fois qu’un Etat ratifie une loi, cette loi ratifiée a priorité sur la législation nationale. Par conséquent, cela signifie que tous les Etats membres signataires de l’Accord de Bangui ont convenu que l’Accord est la loi nationale régissant leur système de droit d’auteur. Ainsi, la législation de chaque pays doit être conforme à l’Accord de Bangui.
Qu’est-ce qui se passe lorsqu’il y a des lacunes ou lorsque les deux lois, à savoir l’Accord de Bangui et de la législation nationale, ne sont pas uniformes? Que se passe-t-il si elles sont uniformes sur certains points et pas sur d’autres? Comment un auteur pourrait-il être en mesure de connaître la loi applicable à son contexte?
Limites de l’harmonisation du droit d’auteur dans les pays de l’OHADA
Bien que ces pays aient des lois nationales régissant le droit d’auteur, ces lois doivent être conformes à l’accord régional qu’ils ont ratifié et à cet effet, il est possible de constater des lacunes de l’harmonisation entre ces lois nationales et l’organisme régional.
En ce qui concerne les œuvres photographiques, la majorité des Etats membres de l’OHADA reconnaissent leur protection si c’est une œuvre artistique ou un documentaire[9]. Toutefois, cette exigence ne figure pas dans l’Accord de Bangui qui a été ratifié par la plupart de ces pays.
En outre, tous les États membres de l’OHADA ne protègent pas tous les types de créations : par exemple, le Congo dans sa législation ne prévoit pas la protection des logiciels, tandis que la Côte-d’Ivoire prévoit la protection des logiciels; par ailleurs, l’Accord de Bangui protège les bases de données en tant que droit d’auteur alors que les législations des pays ne le font pas. Cela montre donc un décalage entre les différentes lois nationales qui ne sont pas effectivement harmonisées d’une part, et la non-harmonisation avec la législation ratifiée de l’organisme régional.
En ce qui concerne les bénéficiaires d’œuvres audiovisuelles, les législations de certains des Etats membres[10] prévoient qu’une oeuvre créée sur commande ou en vertu d’un contrat de travail appartient à son créateur, tandis que l’Accord de Bangui de 1999 dans son annexe VII stipule qu’il appartient à l’employeur.[11]
En outre, en vertu de l’Accord de Bangui, la durée de protection du droit d’auteur est correspond à la durée de vie de l’auteur, jusqu’à 70 ans après sa mort[12]; ce n’est pas ainsi dans tous les pays. Au Togo, par exemple, la durée de protection du droit d’auteur survit pendant la durée de vie de l’auteur et 50 ans après la fin de l’année de sa mort[13]. Nous constatons ici qu’il n’existe aucune uniformité avec l’organisme régional.
En ce qui concerne les sanctions, l’annexe VII de l’Accord de Bangui contient une liste des personnes habilitées à prendre des mesures juridiques. Il précise les actes de contrefaçon et comprend des dispositions relatives aux sanctions. Sur certains points spécifiques, il se réfère aux codes nationaux de procédure civile. Avant d’aborder la question des dispositions régionales, il convient de soulever la question de l’applicabilité de ces sanctions pénales en droit interne, en l’absence de législation nationale explicite.[14]
D’une manière générale, le texte régional fait référence aux «dispositions pertinentes» de codes pénaux nationaux et les codes nationaux de procédure pénale. Cependant, il contient de nombreux détails sur la nature des sanctions – qui devrait être suffisamment dissuasive- et sur la possibilité pour le juge compétent de doubler la peine dans certains cas et d’ordonner la confiscation des recettes, ainsi que la publication de la sentence. Toutes ces dispositions ne sont pas retrouvées dans les différentes législations nationales. En ce qui concerne le caractère dissuasif des sanctions, on pourrait aussi remettre en question la conformité de certaines lois nationales avec les dispositions du texte régional.[15]
Cependant, de nombreuses différences entre les législations des États membres de l’OAPI peuvent être expliquées par le fait qu’un certain nombre de textes nationaux n’ont pas été révisés depuis l’adoption de la nouvelle version de l’annexe VII de l’Accord de Bangui.[16]
Toutefois, les États membres de l’OHADA ont fait un effort d’harmonisation pour la protection des droits moraux. La portée et le contenu de la protection des droits moraux ont les mêmes attributs et la même durée de protection, et ces législations sont harmonisées avec l’Accord de Bangui.
En ce qui concerne le contenu de la protection, tous les États membres de l’OAPI protègent les droits moraux, à tel point que l’on peut parler d’un degré élevé d’harmonisation dans ce domaine. Dans tous les États membres, la législation prévoit les mêmes attributs et la même durée de protection. On peut donc dire que l’esprit d’harmonisation avec l’instrument régional, en ce qui concerne les droits moraux, se trouve dans toutes les législations des États membres de l’OAPI.
Bien qu’il existe des efforts d’harmonisation entre les législations nationales et l’Accord de Bangui 1999, il y a beaucoup de lacunes entre eux. Le fait que les lois nationales ne soient pas en harmonie totale avec l’accord peut causer une certaine confusion chez les auteurs qui écrivent pour la première fois au regard de la législation qui leur est applicable. Cependant, il est important de noter que l’Accord de Bangui depuis sa ratification par les Etats membres a une supériorité sur les lois nationales qui doivent s’y conformer.
Auriole Sieyonji
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